Un temps replié à Aurillac, Le Petit parisien regagne Paris dès le début du mois d’octobre 1940. Colette, qui n’a pas résisté à un été dans le « tombeau verdoyant » de Curemonte, a retrouvé le Palais-Royal et, soucieuse de gagner sa « croûte », propose d’y donner une chronique hebdomadaire sous le titre « Les choses qui ne regardent pas les femmes ».
S’appuyant sur un lectorat féminin fidèle, conquis au fur et à mesure des années et au gré de rubriques aux titres évocateurs (« L’Opinion d’une femme », « Une femme parmi les autres », etc.), Colette entend renouer les liens avec celles qui « dès longtemps, m’ont fait l’amitié, la confiance de me consulter » : « Si vous le trouvez bon, mes chères femmes, je vous donne à cette place un rendez-vous. Je trouverai à vous parler de la joie des vétérans qui reprennent du service, et parfois je tâcherai de vous faire partager un autre plaisir : celui que nous éprouvons à traiter de ce que les hommes nomment fort improprement, les « choses qui ne regardent pas les femmes ». »
Elle rassemble l’essentiel de ces textes dans De ma fenêtre, réédité deux ans plus tard sous le titre Paris de ma fenêtre. Elle y impose l’image de « celle qui rassure » et qui ayant traversé une guerre est à même de livrer à ses lectrices des « recettes » pour faire face aux épreuves du quotidien : le froid et les restrictions.
C’est aussi pour l’écrivaine, suivant une pente qui lui est familière, l’occasion de retrouver ses souvenirs d’enfance, à moins que son attention ne soit requise par l’actualité d’une pièce de théâtre, par les cris des enfants qu’elle observe sans complaisance depuis sa fenêtre ou bien encore par la vue de Mitsou, chatte du Palais-Royal…
Si on a pu reprocher à Colette une certaine myopie par rapport aux grands événements de l’Histoire, ses textes au plus près du quotidien des Parisiens pendant les années grises de l’Occupation y gagnent une valeur de témoignage irremplaçable.
« Paris de ma fenêtre reste un témoignage historique des souffrances des Parisiens. Il incite ceux qui ont connu cette période à se souvenir et, les plus jeunes, à apprendre. C’est en quelque sorte le mémorial d’un temps cruel qui n’avait guère la consolation de l’héroïsme. » (Alain Brunet)