« Une vie en images »

Minet-Chéri

« Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son oeuvre, – « chef-d’oeuvre », disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillé sur les autres enfants endormis. » (Sido, 1930)

 

La maison natale

« Grande maison grave, revêche avec sa porte à clochette d’orphelinat, son entrée cochère à gros verrou de geôle ancienne, maison qui ne souriait qu’à son jardin. Son revers, invisible au passant, doré par le soleil, portait manteau de glycine et de bignonier mêlés, lourds à l’armature de fer fatiguée, creusée en son milieu comme un hamac, qui ombrageait une petite terrasse dallée et le seuil du salon… Le reste vaut-il la peine que je le peigne, à l’aide de pauvres mots ? Je n’aiderai personne à contempler ce qui s’attache de splendeur, dans mon souvenir, aux cordons rouges d’une vigne d’automne que ruinait son propre poids, cramponnée, au cours de sa chute, à quelque bras de pin… » (La Maison de Claudine, 1922)

L'Éden perdu

« Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la croix-de-Malte, des hortensias et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… » (Sido, 1930)

Sido

« Je suis la fille d’une femme qui, dans un petit pays honteux, avare et resserré, ouvrit sa maison villageoise aux chats errants, aux chemineaux et aux servantes enceintes. Je suis la fille d’une femme qui, vingt fois désespérée de manquer d’argent pour autrui, courut sous la neige fouettée de vent crier de porte en porte, chez des riches, qu’un enfant, près d’un âtre indigent, venait de naître sans langes, nu sur de défaillantes mains nues… Puissé-je n’oublier jamais que je suis la fille d’une telle femme (…). » (La Naissance du jour, 1928)

 

Colette-Claudine

« Je m’appelle Claudine, j’habite Montigny ; j’y suis née en 1884 ; probablement je n’y mourrai pas. Mon Manuel de géographie départementale s’exprime ainsi : « Montigny-en-Fresnois, jolie petite ville de 1.950 habitants, construite en amphithéâtre sur la Thaize ; on y admire un tour sarrasine bien conservée… » Moi, ça ne me dit rien du tout, ces descriptions-là ! » (Claudine à l’école, 1900)

Colette à l'école

En professionnel de la réclame, Willy organise le lancement et encourage le succès des Claudine par de nombreux produits dérivés (cigarettes, poudres, parfums, pâtisseries…). Colette est elle-même mise contribution et pose sur une série de cartes postales signées Gerschel en écolière aux côtés de Toby et parfois de Willy présenté comme le « père des Claudine »…

Colette et Missy

« Quand on a rencontré une amie comme la mienne, on a atteint le bout de sa vie, le bout d’une impasse bienheureuse et fermée, où l’on se couche posée jusqu’à la mort. » (Colette à propos de Missy)

Colette artiste de music-hall

« J’ai devant moi, de l’autre côté du miroir, dans la mystérieuse chambre des reflets, l’image d' »une femme de lettres qui a mal tourné ». On dit aussi de moi que « je fais du théâtre », mais on ne m’appelle jamais actrice. pourquoi ? Nuance subtile, refus poli, de la part du public et de mes amis eux-mêmes, de me donner un grade dans cette carrière que j’ai pourtant choisie… Une femme de lettres qui a mal tourné : voilà ce que je dois, pour tous, demeurer, moi qui n’écris plus, moi qui me refuse le plaisir, le luxe d’écrire… » (La Vagabonde, 1910)

Écrire...

« Ecrire ! pouvoir écrire ! Cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, le griffonnage inconscient, les jeux de la plume qui tourne en rond autour d’une tache d’encre, qui mordille le mot imparfait, le griffe, le hérisse de fléchettes, l’orne d’antennes, de pattes, jusqu’à ce qu’il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique,envolé en papillon fée… » (La Vagabonde, 1910)

Mère et fille

« Être la fille de… Je dirais, sans prendre l’affaire trop au sérieux, que c’est un fichu métier. » (Colette de Jouvenel)

L'institut de beauté

En 1932, Colette ouvre, 6 rue de Miromesnil à Paris, un institut de beauté avec pour slogan « Croyez-vous au second métier de l’écrivain ? » : « Voilà qu’à l’âge où d’autres finissent, je prétends recommencer. Mon cas est grave. » (Colette)

Désapprendre d'écrire

« Désapprendre d’écrire, cela ne doit pas demander beaucoup de temps. Je vais toujours essayer. Je saurai dire : « Je n’y suis pour personne, sauf pour ce myosotis quadrangulaire, pour cette rose en forme de puits d’amour, pour le silence où vient de se taire le bruit d’affouillement que produit la recherche d’un mot. Avant de toucher but, je m’exerce. Je ne sais pas encore quand je réussirai à ne pas écrire ; l’obsession, l’obligation sont vieilles d’un demi-siècle. (…) Un esprit fatigué continue au fond de moi sa recherche de gourmet, veut un mot meilleur, et meilleur que meilleur.  » (L’Etoile Vesper, 1947)

"J'aime être gourmande"

« Si vous n’êtes pas capable d’un peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine. » (Prisons et paradis, 1936)

La bonne dame du Palais-Royal

« N’allez pas croire qu’elle ressemblait à la dame tartine et à la sainte nitouche qu’on voulut en faire. Jamais nous ne laverons assez Madame Colette de cette fausse bonhomie dont la légende l’affuble. » (Jean Cocteau)

Regarde !

« Ô découvertes, et toujours découvertes ! Il n’y a qu’à attendre pour que tout s’éclaire. Au lieu d’aborder des îles, je vogue donc vers ce large où ne parvient que le bruit solitaire du cœur, pareil à celui du ressac. Rien ne dépérit, c’est moi qui m’éloigne, rassurons-nous. Le large, mais non le désert. Découvrir qu’il n’y a pas de désert: c’est assez pour que je triomphe de ce qui m’assiège.  » (Le Fanal bleu, 1949)

  • Colette
    1873 - 1954