Composé à la façon de Bella-Vista, Chambre d’hôtel réunit deux nouvelles parues précédemment dans la presse : « La Lune de pluie » publiée en 6 livraisons dans Match du 25 août au 28 septembre 1939 et, pour la 1ère partie du texte, une nouvelle parue sous le titre « Gîte de hasard » dans Paris-Soir en 14 livraisons du 16 au 29 avril 1940. Leur rédaction eut lieu dans les premières années de la guerre et lors de l’Exode. « Gîte de hasard » aurait été en partie écrit à Lyon où Maurice Goudeket et Colette séjournèrent, un peu contraints, sur le chemin qui de Curemonte devait les ramener à Paris. C’est le premier texte que Colette publie aux éditions Fayard après le départ en zone libre des frères Ferenczi.
Comme beaucoup de textes publiés pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux nouvelles s’inspirent de souvenirs personnels liés à la Belle Epoque. Colette poursuit ici un procédé littéraire initié avec La Naissance du jour qui consiste à mettre en scène une narratrice nommée Colette et à mêler à la fiction des personnages réels, ce que la critique contemporaine nomme autofiction et que Colette pratiquait à la manière de Monsieur Jourdain pour l’alexandrin.
Si « Chambre d’hôtel » permet à Colette de retrouver l’univers du théâtre et des comédiens, qu’elle connaît bien, « La Lune de pluie » est un texte plus étonnant dans la production de l’écrivaine puisqu’il témoigne de son goût pour la voyance : « Je la tiens pour simple, réservée aux simples, inexpliquée, inexplicable autant que certains resplendissants coloris, certains dessins mystérieusement figurés sur le papillon, l’oiseau, le fauve, le poisson. »
Colette eut souvent recours à des voyantes – quatre ou cinq confie-t-elle dans L’Etoile Vesper – moins, d’ailleurs, pour connaître l’avenir que pour attester de la présence des morts dans nos vies. Dans « La Lune de pluie », le don de Mme Elise prend un tour inquiétant puisqu’à l’art de la divination elle mêle sorcellerie et magie noire au service d’un sentiment souvent éprouvé par les héros de Colette : la jalousie et le dépit amoureux.