Un des chefs d’œuvre méconnus de Colette.
Par son lyrisme inspiré par le spectacle de la nature et des fleurs, Flore et Pomone n’est pas sans rappeler certains textes des Vrilles de la vigne. Mais leur comparaison témoigne de l’approfondissement et de l’épure du style amorcé avec Chéri. Entièrement consacré aux jardins, ceux de l’enfance, de France et d’Italie, de Paris ou de Marrakech, Colette tente d’y saisir dans une prose poétique, énigmatique et cristalline, le mystère de la vie végétale : éclosion, croissance, avidité… Sous sa plume la jacinthe, la tulipe, la rose, le narcisse prennent vie. « Il n’y a qu’une bête ! » avait elle déclaré à son dernier mari Maurice Goudeket après avoir assisté à la projection au ralenti de la croissance d’une plante. Avec Pour un herbier, c’est sans doute un des plus beaux textes de Colette consacré aux fleurs et aux jardins.
Située 76 rue du Faubourg-Saint-Honoré, la galerie fondée par Jean Charpentier puis reprise à partir de 1941 par Raymond Nacenta présentait chaque année une ou deux expositions d’artistes contemporains. Colette collabora très fréquemment avec la galerie dans les années 40 en préfaçant plusieurs catalogues ou en rédigeant des textes inédits luxueusement illustrés et édités par la Galerie parmi lesquels Flore et Pomone réalisé à partir d’aquarelle de Pierre Laprade (1875-1931), artiste un temps formé par Bourdelle puis menant une carrière solitaire qui l’amena à côtoyer de nombreuses avant-gardes sans y adhérer pleinement. Pierre Laprade étant décédé en 1931, on ne s’étonnera donc pas de l’apparent décalage entre le texte de Colette et les illustrations qu’elle dut sans doute choisir avec l’éditeur parmi des aquarelles préalablement réalisées et principalement inspirées par l’Italie. Là où le regard de l’écrivaine s’arrête avec minutie sur la forme d’une fleur, celui de Laprade semble s’échapper vers un lointain dans une fumée blanche teintée de gris et de vert qui confère à ses compositions une grande nostalgie.