L’histoire de l’œuvre
La chambre éclairée est publié en 1921. Il se compose de « La Chambre éclairée », « Fantômes », « Conte de Bel-Gazou à sa poupée », « Bel-Gazou et le cinéma », « Le Retour des bêtes », « Présages », « Une lettre », « La Nuit paisible », « Une Réponse », « Confidences sans signatures », « Nouveaux Riches », « Un timbre à 0, 60 S.V.P. ! », « Le Maître », « Plomberie et gaz ».
Les articles qui le composent ont été pour la plupart publiés dans Excelsior, deux d’entre eux ont paru avant la guerre dans Le Matin et dans La Vie parisienne. Après cette première édition, certains articles ont été déplacés : « Les Foins », publié plus tard dans Les Heures longues, « Rêverie du Nouvel An », dans Les Vrilles de la vigne, « Malade », « Dimanche », « Répit » et « J’ai chaud » dans Voyage Égoïste. En 1923, la librairie Stock publie un recueil intitulé Rêverie du Nouvel An dans lequel sont inclus « Rêverie du Nouvel An », « Malade », « Dimanche », « Répit » et « J’ai chaud », ainsi que « Convalescence ».
En 1948, lors de l’édition des Oeuvres complètes du Fleuron, Colette remaniera ce recueil pour le réduire à quatorze textes.
L’ensemble parle de la vie (difficile) pendant la guerre, et, d’une certaine manière, du besoin de la reconquérir. Il est éclectique, évoquant tour à tour Bel-Gazou, les animaux, la vie sur le front de la guerre, la vie dans Paris pendant cette guerre et quelques scènes de mœurs.
Le fil du texte
S’il existe une structure de ce recueil, elle peut être temporelle : on peut noter le jeu sur les durées de jour, de nuit, de saisons et d’année. De « La Chambre éclairée » à « La Nuit paisible », il se déroule en effet une année complète, de la fin juin (« juin finit ») à la fin du printemps de l’année suivante (« La lumière du printemps, sur les sureaux précoces… ») en passant par l’automne (« Ma chère, vous savez que cet hiver précoce ne va pas être bien long ? ») et l’hiver (« elles savent que de l’autre côté de la vitre commence une nuit pétrifiante d’hiver »). De plus, le premier texte se déroule sur une demi-journée (de la fin de la matinée à la tombée de la nuit) et le huitième texte complète cette journée (de la tombée de la nuit au petit matin). Enfin, le texte « Le Retour des bêtes », situé à mi-chemin entre le premier et le huitième textes, présente le cycle complet d’une journée.
Quelques pistes d’analyse
Le remaniement de ce recueil en 1948 doit retenir l’attention : pourquoi l’auteure a-t-elle décidé de le ramener à quatorze textes ? Le lecteur pourra chercher des hypothèses.
La diachronie temporelle d’une partie du recueil porte à s’interroger sur la fonction du temps : prisonnière du temps cruel de la guerre qui la rend prisonnière, Colette devra, dans son écrit, retrouver la maîtrise du temps, non pas pour l’isoler comme temps unique et exceptionnel mais plutôt pour y trouver une ouverture, une autre dimension. Il s’agit de rééquilibrer illusion et savoir, dans un cadre parfois romanesque mais non problématique qui, en dépit de la conscience du temps, doit l’engager dans une autre forme d’illusion : la fiction, au fil des textes, explore l’espace mais semble aussi reposer sur une épreuve du temps qui devient, en fait, l’expérience même à raconter. Elle a pour rôle d’imaginer le temps. N’est-ce pas cette complexité du temps à raconter qui gouverne l’espace ?
Maîtriser l’espace, ou le réel, réaffirmer sa présence dans ce cadre, vont nécessiter de coïncider avec son temps et sa vitesse ; c’est ce que semblent proposer les derniers textes de ce recueil, où le lecteur constate un allègement des contraintes du réel, tendant à l’anecdotique et l’abstraction.