Beaucoup de chefs-d’œuvre de Colette doivent aux lieux qui les inspirèrent. Ainsi Rozven et la Bretagne donnèrent naissance au Blé en herbe, La Treille muscate et la Provence à La Naissance du jour. La Retraite sentimentale est comme illuminée par la beauté et la poésie des Monts-Bouccons, propriété située près de Besançon que Willy avait offerte à Colette en 1901 et que le couple conserva jusqu’en 1905.
Le roman, le premier ouvrage publié par Colette après la séparation de biens entre les époux Gauthier-Villars, vient véritablement clore le cycle des Claudine. Annie, l’héroïne de Claudine s’en va, et Claudine sont réfugiées à Casamène – transposition romanesque des Monts-Bouccons – alors que Renaud, l’un des modèles de Willy, s’éteint peu à peu et meurt à Paris.
Si on retrouve dans le roman, notamment dans les personnages d’Annie et de Marcel, le fils de Renaud, quelques traits caractéristiques du style Willy, c’est une toute autre voix qui se fait entendre. Un lyrisme teinté de nostalgie qui se déploie notamment dans les dernières pages de l’ouvrage qui comptent parmi les plus belles de l’œuvre. C’était en tout cas l’avis d’Octave Mirbeau : « Les trente dernières pages de La Retraite sentimentale sont belles comme L’Ecclésiaste ». Revenue dans la maison natale de Montigny, Claudine y évoque avec justesse et émotion la solitude auprès des livres et des bêtes, l’absence de l’être aimé, la vie après l’amour et la nostalgie de l’enfance. Toute l’œuvre à venir est déjà là !