Sans doute l’ouvrage le plus célèbre de Colette. Histoire d’amours adolescentes, un été, en Bretagne, histoire d’une initiation sensuelle, histoire, surtout, de la difficulté – souvent évoquée par l’écrivaine – de quitter le monde de l’enfance pour les compromissions du monde des adultes.
Le roman fut initialement, dans l’esprit de l’auteure, une pièce en un acte pour le Théâtre français : « Le rideau se lève, la scène est plongée dans l’obscurité, deux personnages invisibles dissertent sur l’amour avec beaucoup de science et d’expérience. Vers les dernières répliques, on donne la lampe et les spectateurs surpris s’aperçoivent que les partenaires ont réciproquement quinze et seize ans. » (Entretien avec Frédéric Lefèvre, Les Nouvelles littéraires, 27 mars 1926)
L’histoire de Phil et de Vinca prendra finalement la forme d’une série de textes brefs publiés dans Le Matin, à partir du mois de juillet 1922. La présence de titres en tête de chacun d’eux et l’absence de mention « à suivre » ne laissaient pas encore augurer d’un roman à venir. Mais, lorsque la rédaction du journal s’en rend compte et devine le tour que ne manquera pas de prendre la relation entre les deux héros adolescents, elle interrompt la publication …
De scandale, il n’est pas question, pourtant, lorsque les quinze premiers textes parus dans Le Matin, suivis d’un seizième beaucoup plus long, sont publiés en volume par les éditions Flammarion au mois de juillet 1923. Bien au contraire. Le roman, le premier que Colette signe de son seul nom, est salué par la critique. Benjamin Crémieux dans la NRF voit en Colette « la véritable créatrice de la prose féminine française », celle qui « a ouvert au style des possibilités inconnues avant elle ». Quant à Anna de Noailles, elle vante « ce don de perfection à chaque page ».
Encore aujourd’hui, on pourra juger que ce roman vaut autant par l’évocation nuancée des tourments de l’adolescence que par les descriptions de la côte cancalaise que l’écrivaine avait parcouru du temps qu’elle possédait sa villa Rozven, près de Saint-Malo.
Il faudra attendre l’édition des Œuvres de Colette dans la Pléiade pour que les lecteurs apprennent que la liaison de Phil et de Mme Dalleray s’inspirait, en réalité, de la relation amoureuse de l’écrivaine avec son beau-fils, Bertrand de Jouvenel, et que le nom de « la dame en blanc » était, en fait, celui d’une rue de Paris où Phèdre cachait Hippolyte.
Porté à l’écran par Claude Autant-Lara en 1954 avec Edwige Feuillère dans le rôle de l’initiatrice, Le Blé en herbe suscita un ultime scandale, bien incompréhensible aujourd’hui.