Première édition des œuvres complètes et édition originale des recueils Autres bêtes, A portée de la main et Mélanges.
Prévoyant que la source vive de la création pourrait se tarir et reprenant à son compte le souci d’indépendance financière qui fut, pendant près plus de quarante ans, celui de son épouse, Maurice Goudeket a l’idée, dès 1945, de créer une maison d’édition qui publierait les œuvres complètes de Colette. La tâche est complexe, car il faut dans un premier temps obtenir l’autorisation de tous les éditeurs – et ils sont nombreux – chez lesquels l’écrivaine a publié au gré des occasions, des sollicitations et des nécessités. Pour y arriver et assurer la meilleure diffusion possible, il décide de s’associer avec les éditions Flammarion, qui ont déjà publié quelques ouvrages importants et éditeront après la mort de Colette ses inédits, sa correspondance et les souvenirs de Maurice Goudeket… C’est ainsi que naissent les éditions « Le Fleuron ».
Le 25 février 1949, la Bibliographie de France annonce la publication des trois premiers tomes des Œuvres complètes de Mme Colette, de l’Académie Goncourt. Chaque volume est soigneusement imprimé à 5.870 exemplaires dont 300 exemplaires sur vergé « pour l’auteur et ses amis », 50 exemplaires sur vergé et 20 exemplaires sur vélin bleuté filigrané au nom de Colette, numérotés en chiffres romains. L’exemplaire de Maurice Goudeket (n°III) a été présenté lors de la deuxième vente Sanda Vancovici (M° Grandin et Dubourneux, 2000), « la veuve du veuf » comme la surnommait Colette de Jouvenel, mais ne semble pas avoir été adjugé et a, pour l’instant, disparu….
De décembre 1948 à juin 1950, quinze tomes vont ainsi paraître à un rythme soutenu, qui, d’après Claude Pichois et Alain Brunet, « montre surtout la volonté et la capacité de travail de l’ « entrepreneur » de l’édition. » Colette semble s’être désintéressée du projet et avoir laissé au « meilleur ami » toute latitude, qu’il s’agisse de l’établissement des textes, de la rédaction des notices bibliographiques et même de la composition de nouveaux recueils faits d’articles que Maurice Goudeket, assisté pour l’occasion de Robert Mallet, a retrouvé dans près d’un demi-siècle de collaborations journalistiques et dont les titres A portée de la main, Mélanges, disent assez le mode de composition.
L’édition des Œuvres complètes fut l’occasion pour Maurice Goudeket de modeler le masque qu’il souhaitait offrir à la postérité. Ainsi les Claudine furent sévèrement rabotées, trop encombrantes sans doute pour un voyage vers l’au-delà des Lettres, de même que plusieurs recueils de textes comme Les Heures Longues et La Chambre éclairée. Les notices qui précèdent chaque œuvre vont dans le même sens, gommant les années Willy, la liaison avec Missy, minorant l’importance des premières œuvres, atténuant le scandale en faveur d’une image plus terrienne, une sorte de madone laïque de la IIIe République. Du Paris Lesbos aux honneurs de la République, Colette était ainsi prête pour son ultime métamorphose.